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Monsieur le Président de la République,

Si je me permets de vous adresser ces mots aujourd’hui, c’est parce que depuis bientôt un an, mon quotidien est bouleversé. Je m’appelle Pétronille, j’ai 21 ans, je suis étudiante et malentendante. La plupart du temps, pour vous écouter, je lis sur les lèvres, vos lèvres. 

Pour moi et comme pour beaucoup d’entre nous, nos yeux sont nos oreilles. Le port du masque devient synonyme d’isolement. Un fossé se creuse, une barrière se hisse entre mon monde et vos mondes, celui des relations sociales, de la communication, et j’en passe. 

À l’école, ne pas toujours comprendre le professeur, ne pas oser le faire répéter maintes fois, pour ne pas embêter nos camarades, c’est pénible.

À l’école, ne pas saisir les moments spontanés de ses camarades, de ses amis, c’est d’un goût amer. On se sent seul, mais on ne peut rien y faire. Frustration totale.

En entreprise, les échanges informels sont anéantis, les interactions manquent, l’intégration est freinée. Le malaise grandit. 

Dans la rue, dans les transports en commun, ne pas pouvoir entrer en communication avec l’autre sans lui faire enlever son masque, c’est être livré à soi-même. 

Dans les commerces, faire répéter les commerçants, les caissiers, c’est des moments désagréables à passer, heureusement que le montant est écrit sur la machine à carte bleue. 

Lors des gardes d’enfants, lors des activités extra-scolaires, ou de bénévolat, dire adieu à ces activités qui m’animent ? Ou faire enlever le masque aux enfants afin de les encadrer correctement ? 

Moi qui avait tant l’habitude de me débrouiller et de compenser ce handicap, me voilà démunie. Sans repère pour entendre, sans repère pour survivre, si ce n’est que ma volonté de dépasser cette difficulté. 

 

Faire répéter mes concitoyens de nombreuses fois, les exaspérer, leur faire enlever le masque, un quotidien lassant me direz-vous, qui ne donne point envie de persévérer. 

 

Ne plus pouvoir entendre à minima ce qu’il se passe autour de soi, c’est entrer dans une bulle, dont il est souvent difficile d’en sortir.           

Vous faire répéter, répéter et encore répéter, c’est possible mais irritant quand cela se produit pour la énième fois. L’entourage est bienveillant (ou pas) mais la lassitude est présente. Ne pas comprendre les discussions en entreprise, ne pas pouvoir interagir avec ses amis dans les transports ou dans la rue sans enfreindre la loi, c’est se sentir dans une bulle qu’on ne peut percer. 

 

Voilà ce qu’est mon quotidien depuis le port du masque obligatoire. 

 

Cette lettre n’a pas pour vocation la remise en cause du port du masque, mais seulement la sensibilisation à un combat qui n’était pas prévu dans mon cheminement de vie professionnelle et personnelle. 

 

Ainsi, je me permets ici de vous demander de bien vouloir prendre davantage en considération tous vos concitoyens qui souffrent de ne plus voir les lèvres des autres remuer quand ces derniers s’expriment. 

Je me permets aussi de vous interroger sur le port généralisé du masque “inclusif”. 

Popularisez ce masque qui aiderait bien plus de citoyens qu’on ne le pense ! 

Rendez-le accessible à tous! 

Qu’ils soient, eux aussi, la “norme”.  

 

En vous remerciant par avance pour l'attention que vous voudrez bien accorder à ma lettre,

Je reste à votre disposition, 

 

Veuillez agréer, Monsieur le Président de la République, mes salutations distinguées. 

Pétronille

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